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1 avril 2011 5 01 /04 /avril /2011 14:42

 

 

A peine créé, Adam s’ennuie.

Il n’est pas bon que l’homme soit seul. C’est Dieu qui le dit. La femme non plus d’ailleurs. Ça, c’est moi qui l’ajoute. Et Dieu qui, déjà à l’époque, est très perspicace, le comprend tout de suite, dès les toutes premières pages de la Bible.

Alors, tout de suite, quand il voit Adam s’ennuyer, il crée les animaux, un tas d’animaux, des milliers d’animaux, tous les animaux ; et il les présente à Adam, dont le nom signifie simplement « être humain », c’est à  dire « fait d’humus », on pourrait traduire par « Terreux », « le terreux »… Dieu, d’après la Genèse, crée donc les animaux pour être les compagnons et les vis-à-vis des humains.

Et Adam, le terreux, pour leur donner existence, pour leur donner une chance d’avoir une histoire, une personnalité, une chance d’avoir une relation, Adam leur donne à chacun un nom : le chat, le chien, la mouche, le moustique, la libellule, la truite, l’âne, le chameau, le rossignol, la vache ou le cochon, pour ne citer que ses meilleurs amis… Et puis aussi le dauphin, la grenouille, le diplodocus et l’ours en peluche…

On sait que cela ne suffira pas : même les plus tendres et les plus fidèles d’entre eux ne suffisent pas, il manque encore quelque chose, Adam s’ennuie toujours. C’est là que Dieu se souvient qu’en créant l’être humain, Il l’a créé homme et femme, c’est dit au chapitre précédent. Et Dieu se livrera donc à la petite opération chirurgicale que l’on sait sur la côte d’Adam, pour que l’homme et la femme puissent, côte à côte, se trouver face à un autre semblable. Autre et semblable.

Et c’est là, suggère la Bible, là que naît et se marque la différence entre humains et animaux :

cette reconnaissance de l’autre comme semblable ;

qui sera suivie immédiatement, avec la célèbre histoire d’Eve, du serpent et de la pomme d’Adam, par la découverte de la connaissance du bien et du mal ;

c’est à dire la conscience de la responsabilité ;

qui elle-même sera suivie immédiatement par l’intuition puis le sens d’une transcendance.

 

Toujours est-il que, alors que les plantes n’ont pas été présentées à Adam ni nommées par lui, les animaux, eux, ont été créés pour être les compagnons, les partenaires et les vis-à-vis des humains. Et pas seulement un décor ni une masse indistincte, ni un garde-manger ou une garde-robes ambulants…

 

Personne n’est pas obligé de croire à cette origine du monde. Mais la Bible s’en moque : elle ne prétend rien décrire de scientifique, elle parle des rapports entre l’être humain et Dieu ; entre les êtres humains hommes et femmes ; et, ici, entre les humains et les animaux.

Et ce qu’elle suggère, c’est qu’il n’y a pas de rupture radicale entre les deux – c’est peut-être pour cela qu’elle interdit de manger du porc, qui nous est si proche, du cheval, des crustacés et d’un certain nombre de mammifères. Pas de rupture radicale, mais au contraire une continuité, un compagnonnage où l’humain semble placé au centre, comme un primus inter pares. Au centre, et c’est bien cela qui lui donne une responsabilité : celle de dominer la Création, certes, mais aussi de la cultiver et de la garder. Peut-être la clef de nos relations avec les animaux est-elle là : dominer mais garder la Création. Dominer, ce qui implique des droits, mais garder, ce qui implique des devoirs.

 

Une responsabilité, une solitude et une protection que l’être humain va bientôt mettre en pratique dans cet autre célèbre mythe biblique qu’est l’histoire de Noé et du déluge. Noé, son épouse et leurs enfants vont veiller à sauvegarder un à sept couples – selon les versions – de chaque espèce animale pour la sauver du déluge. Et c’est un ordre de Dieu ! Indice peut-être que nous faisons une grande faute en détruisant ou laissant s’éteindre tant d’espèces animales.

 

Oui, mais… Et les sacrifices d’animaux réclamés par la Bible ? Eh bien, justement. Un sacrifice n’a de sens que si l’on sacrifie quelque chose de précieux, si l’on donne de soi, et le sacrifice n’est valable que s’il offre quelque chose en substitution de soi-même, un équivalent de soi-même. Ainsi le fait que le sacrifice animal soit le plus valorisé après le sacrifice humain, montre précisément la proximité de l’animal avec l’être humain.

Oui, mais encore… Et les figures animales, dragons anciens et autres Léviathan, qui dans la Bible personnifient les forces du mal ? Eh bien, ne serait-ce pas un hommage du vice à la vertu, la reconnaissance de la potentialité, chez les animaux, d’une conscience, d’une volonté et d’une personnalité dignes d’être des interlocuteurs ou des figures de la Création ? A nouveau équivalence, mêlée d’ambivalence.

 

Enfin Jésus et le Nouveau Testament : rien. Plus de sacrifices animaux, mais ce coup de tonnerre : l’équivalence se retourne et se déplace, c’est la mort du Christ en croix, de Dieu en croix, qui est présentée comme un sacrifice de substitution pour toute l’humanité. Elle stoppe du même coup tous les sacrifices d’animaux, devenus d’un coup archaïques et obsolètes, et que déjà plusieurs prophètes du Premier Testament avaient dénoncés – affirmant que Dieu ne prenait aucun plaisir au sang répandu ni à l’hypocrisie qui pourrait l’accompagner, mais qu’Il recherchait la brisure et la confiance du cœur. Dieu n’a pas de plaisir à la souffrance des animaux, ses créatures, nos compagnons.

Et cette fois, nous en sommes à notre question de ce matin : faire souffrir les animaux ? Oui, si c’est utile et minimisé. Pour s’en nourrir, s’en vêtir, s’en soigner peut-être. S’en défendre éventuellement. Expérimenter, cela se peut, si avec respect. Les dresser-éduquer, sans doute, s’ils y trouvent plus de bénéfice que de souffrance. Mais en rire ou s’en moquer, jamais. Tant pis pour les cirques. En jouir pas davantage, se défouler non plus. Tant pis pour les sadiques. Se faire plaisir en société, avec regret c’est non. Tant pis pour les corridas, la chasse à courre et la chasse tout court.

En somme, l’éthique envers le monde animal n’est pas si différente de celle entre humains. Elle s’appelle simplement respect. Accepter la souffrance est parfois nécessaire, pour nous, pour autrui, pour des animaux. S’en réjouir ou y être indifférents, non.

Cela au nom de cette solidarité de toute la Création, qui va de l’inorganique que nous gaspillons si généreusement aujourd’hui, jusqu’à nous, en passant par les plantes, la mer, l’air, la terre et bien sûr les animaux, petits ou grands, étranges ou proches.

Au nom du respect pour ces compagnons auxquels Dieu nous a confié de donner un nom, et qui ont chacun une vie, une personnalité, une histoire, une capacité chez certains d’affection, d’altruisme, de langage et même de sens de l’humour…

Ils partagent avec nous le statut de créatures, créés pour accompagner notre passage sur la terre, et pas seulement pour servir de garde-manger, garde-robes ou équilibreurs écologiques. De vrais compagnons, avec lesquels peut se nouer une véritable amitié et une véritable complicité, avec son chien, son chat, son hamster, son cheval, ses vaches ou ses moutons, voire son dauphin… Comme ce malheureux du temps des rois d’Israël, qui ne possédait qu’une brebis : « Il la nourrissait, et elle grandissait chez lui, en même temps que ses enfants. Elle mangeait la même nourriture et buvait le même lait que lui, elle dormait tout prés de lui. Elle était comme sa fille »

Voilà pourquoi le premier Testament leur est si attentionné. Lorsqu’il préconise de ne manger d’animal que séparé de son sang, parce que son sang, c’est sa vie et son âme. Ou qu’il demande de ne pas mélanger la viande avec des produits laitiers, parce qu’on ne fait pas cuire un animal dans le lait de sa mère, c’est trop cruel. Respect.

Voilà pourquoi la Bible affirme qu’il vaut mieux un chien vivant qu’un lion mort, voilà pourquoi les rois entrent dans Jérusalem juchés sur une modeste ânesse, comme le fera Jésus lui-même.

Ce Jésus dans lequel les chrétiens voient la présence de Dieu en personne, un Dieu qui accepte de souffrir comme un être humain pour se faire proche et solidaire de toute souffrance humaine. Alors on peut supposer que, à l’image de la croix qui montre ainsi de façon terrible un Dieu qui souffre de tout ce qui fait souffrir les humains, on peut supposer que ce Dieu souffre également de tout ce qui abîme sa Création, volontairement ou par sottise, inattention ou égoïsme.

Sa Création, offerte, si diverse et si belle, et même si équilibrée entre d’un côté la beauté et le bonheur, et de l’autre le mal qui, sans doute, lui permet ou l’oblige à progresser.

 

Alors, ce soir, n’oubliez pas de caresser votre enfant, mais aussi votre poisson rouge…

 

Jean-paul Morley

Communication au Sam’dix-treize de L’Auditoire

le 8 janvier 2011

 

 

Deuxième livre de Samuel, chapitre 12.

 

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