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Dialogue des 19-30 ans en introduction du culte

N : Est-ce que vous y croyez, vous, au péché originel ?

M : - C'est quoi ça, le péché originel ?

P- Eh bien c'est la faute commise par Adam et Ève dans le jardin d'Eden, lorsqu'ils ont désobéi a Dieu qui leur disait de ne pas manger du fruit de l'arbre de la Connaissance.

N : - Du coup, ça a fait entrer la mort dans l'humanité.

P :- Et donc, en tant que descendants d'Adam et Ève, nous sommes fautifs comme eux.

M:- Mais il n'y a pas de raison que je sois responsable du péché des autres... ! Ça voudrait dire que rien qu'en naissant, on est déjà pécheurs ?

P : - Oui, du coup, nous sommes maudits, damnés d'avance...

M: - Mais pourquoi être condamnés d’avance à cause d’une faute d’il y a… combien de milliers d’années ?

P : Eh....Je ne sais pas… Apparemment, la notion de péché n'est pas dans la Genèse, mais elle apparait plus tard, notamment chez Paul, et surtout chez Saint Augustin, au Ve siècle...

Et toi Jean-Paul, est-ce que tu crois à ce que dit Paul, en la faute d'Adam et la condamnation de l'humanité ?

* * *

Le péché originel ? C'est bien sûr la faute à Eve, qui nous a collé un péché, que les mères nous transmettent à tous… La faute aussi à ce perfide serpent, qu'on assimile au diable. Un petit peu aussi la faute à Adam, puisque, affirme Paul, c'est à cause de lui que la mort est entrée dans le monde.

Mais… et si c'était aussi la faute à Dieu ?

Reprenons tous les éléments :

Adam et Eve sont là, au milieu du paradis, tout innocents, ne connaissant rien et ne connaissant en particulier ni ce qui est bien, ni ce qui est mal… Innocents, naïfs.

Au milieu du jardin, deux arbres interdits. Mais quand-même plantés là par Dieu Lui-même… Ah ?

S'approchent d'Adam et Eve la créature la plus intelligente de toute la Création (c'est écrit) c'est à dire plus qu'Adam et Eve : le serpent. Créature, donc créée et voulue par Dieu ; intelligente, donc peut-être bien missionnée par Dieu… Ah, tiens ?

Enfin un dialogue, à qui ment le mieux…

  • Dieu a vraiment interdit tous les arbres ?
  • Mais non, seulement celui de la connaissance. Sinon on meurt.
  • Ah ! Mais pas du tout, vous ne mourrez pas ! »

Ce qui est exact ; Dieu aurait menti ? Un peu… ils mourront, certes, mais plus tard, et de toute façon !

  • Mais vous serez comme des dieux, avec la connaissance du bien et du mal. »

Exact encore. Dieu ne le leur avait pas dit, à ces innocents…

Et la femme voit que l'arbre est beau, et le fruit utile, elle y touche… et en passe la moitié à son homme.

Aussitôt leurs yeux s'ouvrent.

Et qu'est-ce qui se passe ? Le serpent ne leur a pas menti : ils ne meurent pas, mais connaissent soudain le bon et le mauvais, ils connaissent le désir, et ils ont honte. Ils connaissent le bien et le mal, et donc ils découvrent le choix, ils expérimentent la conscience, ils reçoivent la liberté de choisir et de se déterminer, ils accèdent à la responsabilité. De ce point de vue, oui, ils sont comme des dieux, capables de juger, de discerner et de se décider.

Formidable promotion !

Et bien joué, de la part de Dieu ! Qui non seulement à tout mis en place pour que l'être humain qu'Il a créé accède à la conscience, à la liberté et à la responsabilité – le jardin, l'arbre, le serpent malin, le fruit extraordinaire – mais, en plus, qu'ils y accèdent par une transgression, tout simplement parce qu'on n'accède à la liberté qu'en la conquérant, et non en la recevant en dot.

L'interdiction de l'arbre, et l'arbre lui-même, et le serpent tentateur, créature divine, n'étaient manifestement là que pour permettre aux êtres humains, à travers cette transgression, de devenir humains. C'est-à-dire libres, responsables, maîtres et gardiens de la création. (Et ses possibles assassins…)

Capables, du coup, d'entendre les appels de Dieu à L'entendre, justement, et d'entendre ses appels à la droiture, à la fraternité, à la foi, à la fidélité : toutes choses magnifiques, mais pas si simples, et qui ont un coût.

Dieu, avec le jardin d'Eden, a vraiment tout préparé pour que l'humain s'émancipe, et c'est l'humain lui-même qui s'est émancipé. Bien joué, Dieu !

Et c'est bien cela que nous raconte, avec poésie, humour et une immense finesse, le livre de la Genèse : l'aboutissement de la Création. Maintenant Dieu, le Créateur, a un vis-à-vis, un être conscient et responsable (même s'il se montre beaucoup trop souvent irresponsable…).

Mais, et le péché alors ? La chute ?

Quel péché ? Quelle chute ? Avez-vous une seule fois lu ces mots dans ce récit de la Genèse ? Jamais. Ils n'y sont pas. Parce qu’il ne s'agit pas d'une chute, mais au contraire d'une ascension, celle qui nous permet d'écouter Dieu, de l'aimer et de lui parler

Dieu a enfin un vis-à-vis, qui peut choisir de l'aimer…

Mais les punitions alors, les malédictions pour le serpent, Eve et Adam ?

Quelles malédictions ?

Le serpent oui, est maudit, parce que dorénavant il représentera le mal, mais la femme aura le pouvoir de le vaincre, de l'écraser du talon…

Eve ? Elle n'est pas punie, ni maudite, mais elle sait maintenant que donner naissance demande un effort et de la peine, que faire d'un nouveau-né un être humain est un long travail et une vraie responsabilité : elle sait aussi qu'un jour elle mourra, mais également que son désir lui appartient.

Adam ? Il n'est pas puni, ni maudit, mais lui aussi il sait maintenant que la terre, le réel, sont résistants, et que créer des biens ou créer de la beauté demande un effort et de la peine, et que faire de la race humaine une humanité est un long travail et une vraie responsabilité.

Pour Eve, comme pour Adam, c'est simplement la conséquence de leur connaissance du bien et du mal.

Mais, Adam et Eve chassés du jardin d'Eden, du paradis ?

Ce n'est pas non plus une punition, mais, là aussi, la conséquence de leur liberté : ils sont expulsés du paradis comme une naissance, ils deviennent libres, ils quittent la relation fusionnelle entre eux et Dieu, et ils héritent… de la terre. Cette terre d'où ils sont nés (Adam signifie ‘terreux’), qui devient leur territoire, celui où ils peuvent se déployer, construire une histoire et une humanité : une humanité capable, un jour, de répondre à Dieu et de le réjouir.

Franchement, quel texte magnifique ! Quel chef-d'œuvre de poésie et de finesse, pour révéler le cadeau extraordinaire de Dieu à sa Création, de Dieu à Lui-même, de Dieu à ceux qu'Il a choisis pour leur offrir d'être les représentants de la Création devant Lui, et les messagers de Dieu auprès d'elle… Quel texte magnifique ; quel don magnifique !

Qu'on ne nous parle plus jamais de péché originel !...

Mais Paul, alors ?

Eh bien, Paul répond lui-même ! Deux chapitres plus loin, en définissant le péché fondamental d'une superbe formule :

« Je fais ce que je ne veux pas, et je ne fais pas ce que je veux…

Qui me délivrera ? »

Si péché originel ou péché fondamental il y a, il est là : dans notre contradiction profonde d'êtres partagés, notre structure d'être humain sans cesse écartelé entre terre et ciel - la terre, pesante, matérielle, d'où nous venons, à laquelle nous appartenons, et qui nous tient ; - et le ciel, l'appel de Dieu, son souffle en nous qui nous incite à plus que nous, au meilleur de nous-même.

Cet écartèlement qui nous déchire et nous culpabilise, mais qui nous donne envie d'aimer, de créer, d'être solidaires, d'être humains… Et que le Christ résout en nous accueillant tels que nous sommes et en nous renouvelant jour après jour par sa grâce.

Alors non, qu'on ne nous parle jamais plus de faute originelle, cette invention de clercs culpabilisateurs !

Jean-paul Morley

Cultes du 28 juin 2015, avec les 19-30 ans

Lectures : Genèse 3 : 2-19

Romains 5 : 12-16

Romains 7 : 15-24

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