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26 avril 2020 7 26 /04 /avril /2020 10:22

La visite

Conte du jour, 32

« Dieu va venir ! »

Dans le petit village caché derrière la forêt, la nouvelle éclate un matin : personne ne sut d’où elle était partie, mais en un clin d’œil elle fait le tour des habitants.

Tous s’activent aussitôt : les une agitent balais et chiffons, les autres nettoient écuries et granges. On débarrasse les cours de fermes de tous les objets inutiles ; on arrache même les herbes folles dans les allées et les jardins : « Et si Dieu passait par ici ? Qui sait ? »

Puis les femmes commencent à mijoter et à cuire : pains et gâteaux, rôtis et légumes s’alignent dans les garde-manger. Les hommes remontent leurs meilleures bouteilles de la cave ; on sort les nappes blanches et la vaisselle du dimanche : rien ne saurait être trop beau pour accueillir Dieu !Le bruit de ce remue-ménage arrive jusqu’à une maison au bout  du village. Un vieil homme y habite depuis des années. Deux chèvres, quelques poules et un chat, presque aussi vieux que lui, sont ses seuls compagnons. ‘Inutile de bouger’, murmure le vieillard  en se rasseyant dans son fauteuil, ‘Dieu ne viendra pas jusqu’ici’.

Il finit tout de même par décrocher les toiles d’araignée qui pendaient aux fenêtres. Il chasse les poules installées dans la cuisine, et, d’un coup de balai, pousse dehors les poules et les feuilles morts qui couvraient le sol. Il met sur la table une miche de pain et la fin d’un saucisson, quelques feuilles de salade, une cruche de lait de chèvre et des fruits du jardin. Puis il s’installe sur le petit banc, devant la maison, et attend, en tirant sur sa pipe.

Un enfant arrive en sautillant : « Je suis tout seul, personne ne s’occupe de moi, pleurniche-t-il : viens jouer avec moi !

- Jouer ? Tu n’y songes pas, s’écrira le vieil homme, que dirait Dieu s’il me voyait en train de m’amuser ?

L’enfant repart sans rien dire.

Un peu plus tard, une femme revient de la forêt ; elle porte sur son dos un fagot de branchages :

«  Je n’en peux plus, soupire-t-elle en laissant tomber le bois, pourrais-tu m’aider ?

- Je ne peux pas m’éloigner d’ici, rétorque l’homme. Que dirait Dieu, s’il trouvait la maison vide ?

La femme reprend sa route d’un pas fatigué.

Vers le soir, un mendiant se présente :

- Je n’ai rien avalé de la journée, dit-il, n’as-tu pas au moins un quignon de pain ?

- Pas aujourd’hui, mon pauvre, répond le vieil homme. Ce que j’ai, je le garde pour Dieu. Que dirait-il s’il trouvait la table dégarnie ?

Le mendiant quitte le village, ventre vide.

Personne d’autre ne vient. Tard dans la soirée, l’homme se met au lit. Dans son sommeil, il entend une voix :

- Je suis Dieu. Où es-tu, mon ami ?

- Mais Seigneur, pourquoi arriver si tard ? Je t’ai attendu toute la journée !... »

Il court jusqu’à la porte, mais il n’y a personne.

«  Je suis venu, reprend la voix. Je m’ennuyais, mais tu n’as pas joué avec moi. Je portais un fardeau, mais tu ne m’as pas aidée. J’étais affamé, mais tu ne m’as rien donné à manger… »

 

Un conte ancien et sans doute connu, mais qui reste bon à méditer, le jour du Seigneur…?

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