Le jardin du bruit de Dieu

Un jour, en Orient, un visiteur lettré vient voir un soufi, un mystique musulman. Celui-ci le fait entrer, et longuement ils parlent de Dieu. Le visiteur évoque sa toute-puissance, sa force, son exigence, ses interventions, le destin qui est entre ses mains, sa souveraineté sur l’univers et sur l’humanité… Le soufi, lui, parle de la discrétion de Dieu, sa modestie, son retrait, son amour, la liberté qu’il nous laisse, la vie qu’il nous a confiée… Et les deux ne parviennent pas à se mettre d’accord.

Soudain le soufi se lève et dit ‘’viens’’. Il emmène son visiteur dans son jardin, dans la cour intérieure de la maison. Là tout est calme : quelques roses, une petite fontaine, un pigeonnier… ‘’Ecoute’’, dit-il. Etonné, le visiteur tend l’oreille. Mais n’entend rien. Rien que l’infime bruissement des ailes d’une colombe dans le pigeonnier, le doux murmure de la fontaine, le parfum des roses… Rien !

Alors le soufi reprend la parole : ‘’Tu vois, je veux toujours avoir ces trois choses dans mon jardin, au moins dans mon jardin intérieur, pour me souvenir que Dieu est ainsi : invisible, imperceptible, insaisissable, presque inaudible ; on ne l’entend que dans le bruissement des ailes d’une colombe, le murmure d’une fontaine, le parfum des roses…

Et pour me souvenir, aussi, qu’il faut tendre l’oreille, et sourire, sinon on ne l’entend pas… ’’