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10 avril 2020 5 10 /04 /avril /2020 10:20

Ceci n'est pas un conte, c'est une histoire vraie.

Ne ferait-elle pas un peu écho à la croix de Vendredi saint ?

Conte du jour, 17

Une halte sur le pont de Lausanne

Lausanne était au départ un simple village de pécheurs sur les rives attrayantes du lac Léman. Au cout des siècles, on a construit la ville vers le haut, en enjambant rivières et ravins, et en dotant l’agglomération de ruelles en pente et de ponts spectaculaires.

Mais si l’architecture des ponts donne à rêver, l’un d’entre eux est devenu au fil du temps tristement célèbre : le pont Boissières. C’est le plus haut du chef-lieu, et c’est en sautant ici qu’on a le plus de chances de réussir un suicide. Chaque année, pendant les périodes de fête, on notait une recrudescence de tentatives, principalement de la part de jeunes. Les barrières sont facilement escaladables, et la route passe dessous.

Devant l’indifférence des passants et l’inaction de la ville, Joël a décidé, il y a une quinzaine d’années, de faire quelque chose. Cet homme d’une trentaine d’années, atteint d’une grave maladie, s’installa chaque hiver dans une cabane en bois au milieu du pont. Il allumait un feu, préparait des boissons chaudes, et passait ainsi deux mois, jour et nuit, dans sa cabane. Il proposait aux hommes et aux femmes en mal de vivre une présence, un réconfort, une parole dans la nuit froide et dans les matins brouillardeux. Joël n’avait aucune prétention, aucune formation non plus à la relation d’aide. Simplement, il était révolté qu’on laisse mourir des gens sans essayer de leur tendre la main.

Au fil des années, sa cabane est devenue un symbole et une halte au cœur de la ville. Un petit comité d’amis s’est constitué et est venu le soutenir. Les passants se sont arrêtés pour boire quelque chose de chaud et discuter, même s’ils n’avaient pas l’intention de se jeter du pont. On avait plaisir à le retrouver chaque hiver, on savait qu’il était utile, on savait que quelqu’un s’occupait des plus désespérés. Il apportait un peu de chaleur dans le cœur de l’hiver et dans celui des gens.

Il y a plusieurs années maintenant, Joël a succombé à sa maladie. Mais la cabane, elle, est restée. Chaque hiver, les amis de Joël se relayent pour continuer son action, le feu brûle toujours sur le pont Boissières, un peu en souvenir de Joël, et surtout pour écouter ceux et celles qui n’ont plus personne à qui se confier.

Anne Lepper

Les amis de Joël, toujours là...

Les amis de Joël, toujours là...

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