Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 août 2014 2 26 /08 /août /2014 17:40

Peut-on se perdre ? Serons-nous jugés ? Et peut-être condamnés ?

Jésus l’annonce à plusieurs reprises, et quelques-unes de ses paraboles le mettent en scène.

Alors, redisons-le : oui, bien sûr, on peut se perdre. Oui, on peut détruire sa vie, détruire ce que Dieu nous a offert pour notre vie, détruire nos amours, détruire nos chances, détruire notre monde et nos relations, détruire notre salut... Simplement par une vie inconsciente, par notre égoïsme, notre orgueil, notre malhonnêteté, ou notre passivité, notre mensonge, notre paresse spirituelle... Ou par cette petite voix pernicieuse au fond de nous, qui est le véritable diable.

Oui, on peut se perdre, plus encore, en détruisant la vie des autres, et en même temps la nôtre.

Et c'est tout cela l'enfer, l'enfer au milieu de nous, en nous, celui que nous créons : l'enfer sur terre. Oui, nous pouvons nous perdre, on peut se perdre soi-même, et c'est dramatique. Jésus le résume de façon parfaitement claire : « Celui qui veut sauver sa vie, la perdra », mais « qui donnera sa vie à cause de mon nom, la trouvera ».

Oui encore : une vie gâtée, perdue, loin de Dieu, impitoyable pour autrui, ne peut conduire qu'à une confrontation douloureuse au jour du jugement : confrontation avec Dieu, face-à-face ; confrontation avec soi-même, avec sa vie, avec ceux que notre vie aura croisés, et qui peut-être auront été nos victimes. Douloureuse parce que, d'une manière ou d'une autre, nous en supporterons les conséquences au delà.

Oui, on peut se perdre, mais oui, la foi en Jésus, le Christ, permet d'éviter de se perdre. Etre sauvé, dit la Bible.

Déjà une promesse, avec quelques versets d'Esaïe : « Il fera disparaître la mort pour toujours ; le Seigneur Dieu essuiera les larmes sur tous les visages et dans tout le pays et enlèvera la honte de son peuple. Il l'a dit, Lui, le Seigneur ! » (Esaïe 25 : 8)

« En effet les détresses du passé seront oubliées, oui, elles seront cachées à mes yeux. » (Esaïe 6 : 16)

« Désormais, on n'y entendra plus retentir ni pleurs, ni cris. (…) Il n'y aura plus là de nourrisson emporté en quelques jours, ni de vieillard qui n'accomplisse pas ses jours. » (Esaïe 65 : 19-20)

Et chez Jean, la promesse de vie éternelle :

« En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en Celui qui m'a envoyé, a la vie éternelle. Il ne vient pas en jugement, mais il est passé de la mort à la vie. En vérité, en vérité, je vous le dis, l'heure vient – et elle est déjà là – où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'auront entendue vivront. Car comme le Père possède la vie en lui-même, ainsi a-t-Il donné au Fils de posséder la vie en lui-même ; il lui a donné le pouvoir d'exercer le jugement parce qu'il est le Fils de l'homme. Que tout ceci ne vous étonne plus ! L'heure vient où tous ceux qui gisent dans les tombeaux entendront sa voix, et ceux qui auront fait le bien en sortiront pour la résurrection qui mène à la vie ; ceux qui auront pratiqué le mal, la résurrection qui mène au jugement. » (Jean 5 : 24-29)

Et tout de suite une question : la vie éternelle concerne-t-elle bien l'au-delà ? Que l'au-delà ? Aussi l'ici-bas ?

Disons déjà, comme Paul, que si elle ne concernait pas l'au-delà, nous serions les plus malheureux des humains. Mais ajoutons que si elle ne concernait que l'au-delà, nous serions également les plus malheureux des humains.

Car la vie éternelle est à la fois une promesse et un don.

Promesse pour demain, don pour aujourd'hui.

Une promesse : la vie. La vie à toujours. Oui, la résurrection, la nôtre, la vôtre, la mienne, à notre mort, parce que si Jésus n'était pas ressuscité le premier il y a 2000 ans, le christianisme n'existerait pas. Et parce que si Jésus est ressuscité, alors nous aussi, tous, nous y sommes promis.

Et cette promesse-là est indispensable, indispensable pour nous sans doute, mais d'abord indispensable à la justice de Dieu. Pour qu'il y ait réparation.

Réparation pour tous ceux qui auront vécu trop peu, ou trop mal, ou toujours seuls, ou laids, ou souffrants, ou pas nés au bon endroit au bon moment, ou marqués dans leur corps, marqués dans leurs affections, ou dans leurs espoirs. Victimes du chacun-pour-soi, victimes de systèmes financiers ou de racisme, victimes de la violence ou simplement de leur propre bêtise ou maladresse, ou encore victimes de leur propre naïveté ou de leur générosité.

Pour tous ceux-là, il ne peut pas ne pas y avoir réparation, consolation : sinon la justice de Dieu-amour perdrait toute signification.

C'est vrai. Pour eux, pour vous, pour tous ceux qui sont aujourd'hui victimes de tant d'horreurs de par le monde – et aussi pour tous ceux qui donnent leur vie pour le bien de l'humanité.

Tous ceux-là sont promis à une réparation et une consolation, c'est-à -dire à la possibilité d'être enfin conformes à ce à quoi ils étaient appelés, en harmonie avec ce qu'ils auraient voulu ou dû être, en harmonie avec l'éternité, avec le bien, avec cette impalpable densité, cette infinie clarté et infinie douceur qu’est la proximité de Dieu.

Tous sont promis à ressentir enfin et vivre éternellement ce que représentent être aimé et pouvoir aimer.

Mais justice de Dieu aussi pour tous ceux qui ont eu le malheur de créer le malheur autour d'eux, que ce soit à leur petite échelle, à celle d'un pays ou à celle de l'humanité.

Il faut qu'eux aussi ressuscitent pour être confrontés à Dieu, face-à-face, confrontés à leur vie, à leurs dégâts. Pour un jugement qui sera de feu. Non pour qu'ils paient, mais pour qu’ils sachent. Qu'ils ressentent un instant, en eux-mêmes, dans leur chair, le mal qu'ils auront provoqué. C'est cela aussi, la réparation, l'indispensable réparation, l'indispensable justice.

Sans doute ne pourront-ils alors que se repentir, et peut-être qu'alors, comme le suggèrent quelques versets du Nouveau Testament, il n'est pas interdit d'espérer que le pardon de la Croix les atteigne finalement à leur tour, après ce jugement, après avoir su, après avoir ressenti.

Voilà la promesse : Justice. Et réparation.

Je la trouve belle.

Mais la vie éternelle n'est pas qu'une promesse pour demain. Elle a son autre dimension : un don, immédiat.

Et celui-ci ne peut se recevoir que dans la foi.

Car Jésus ne parle pas de la vie éternelle seulement au futur, mais aussi au présent : « Celui qui croit a la vie éternelle » dit-il.

Et nous, ici présents, qui avons entendu les paroles du Christ, nous sommes conviés à recevoir et à vivre ce don, tout de suite. Car nous avons reçu le privilège de comprendre que si la vie est éternelle... elle nous précède, et commence pour nous dès aujourd’hui !

Et cette vie-là, cette vie d'une autre nature, cette vie à un autre niveau, se concrétise par le don d'un nouveau regard, un triple regard : sur le monde, sur soi-même, sur l'humanité.

Un regard sur le monde, c'est-à-dire la création, un regard qui accepte cette création comme elle est, et l'aime, comme elle est, parce que c'est la création, et que ce sont ses lois. Qui admet donc l'injustice du monde, son inégalité, son aveuglement, sa cruauté, son apparente absurdité, et qui accepte tout cela parce c'est le prix de sa beauté, de sa diversité, de la vie, et de sa progression.

Comme la mort est le prix de la vie, comme le péché est le prix terrible de notre liberté... « Quand le lion mange la gazelle, c'est la justice de la création » disait Camus.

Donc un premier regard sur le monde, qui l'accueille, l'accepte, et l'aime, parce que c'est le monde, que ce sont ses lois, et que par conséquent, aussi inhumaines soient-elles, elles sont quelque part nécessaires, et justes.

Ensuite un regard sur soi-même. Qui s'accepte, de la même manière qu'il accepte le monde, et qui s'aime, parce qu'il est une créature déjà aimée de Dieu. Qui accepte donc toutes ses propres insuffisances, ses contradictions, ses petites lâchetés, l'écart désespérant mais irrémédiable entre ce qu'on voudrait et ce qu'on fait. Parce que le Christ, pour nous, après être descendu jusqu'à nous, a été écartelé sur la croix précisément de cet écart-là.

Mais regard sur soi-même qui, aussi, entend l'invitation à être ce que nous savons être juste, à ne jamais nous satisfaire de notre état présent, mais à toujours tendre vers le bien. Parce qu'en Christ l'humain a été invité à s'élever jusqu'à Dieu. Un regard sur soi-même, enfin, qui voit au quotidien tout ce que Dieu donne, à soi et autour de soi.

Donc un deuxième regard sur soi-même, qui s'accepte tel qu'il est, parce que pardonné ; tout en ne se satisfaisant jamais de son état présent, parce que invité à plus que lui-même.

Enfin un regard sur l'humanité. Et, cette fois, un regard qui n'accepte pas. Mais au contraire qui brûle, qui brûle de ce même amour, de ce même refus de l'hypocrisie, du mépris, de l'injustice ou de la violence, qu'a exprimé toute la vie et les paroles du Christ avant de le conduire à la croix. Un regard qui n'accepte pas l'inacceptable, et qui se bat au nom d'une autre justice que celle des lois de ce monde : celle du Royaume. Non plus la justice de ce qui est, mais la justice à venir, celle proposée dans la prédication du Christ, qui nous convie à en vivre.

Un troisième regard, donc, sur l'humanité, qui n'accepte pas son état de détresse et de souffrance actuel, mais donne envie de se donner pour ce que le Premier Testament appelle la justice et le droit, et le Nouveau Testament le Règne de Dieu.

Ainsi, tout à la fois :

Aimer le monde, et donc l'accepter.

S'accepter soi-même, mais ne jamais s'en satisfaire.

Aimer l'humanité, assez pour en combattre les blessures et lui offrir sans cesse l'Evangile du Christ.

L'ensemble paraît paradoxal, incompatible, impossible. Mais c'est ce que le Christ a vécu, et à quoi il nous invite.

Car aimer le monde, c'est reconnaître le Père, le Créateur.

S'accepter soi-même, c'est recevoir le pardon du Fils et son pressant appel au bien.

S'engager par amour pour l'humanité, c'est être habité par l'Esprit, qui nous enseigne la Cité de Dieu.

Et cela s'appelle la vie éternelle. La promesse pour demain et le don pour aujourd'hui.

C'est bien au-delà de nos vies, qui cherchent à tâtons leur chemin. C'est inatteignable. Mais cela se reçoit, cela ressemble à la foi, cela nous est donné, cela s'appelle la foi.

Si nous étions de confession orthodoxe, nous n'hésiterions pas à parler de vie divinisée. Et peut-être est-ce bien de cela qu'il s'agit.

Et cela nous est offert. Il suffit d'entrer, de faire confiance et de se donner.

Cultes du 25 mai 2013

Partager cet article
Repost0

commentaires